Le Professeur Nicolas Kodjoh interpelle les consciences sur les tueurs
en série
(Le taux de prévalence qui va crescendo au Bénin)
Le lundi 28 juillet 2014, la communauté internationale commémorait la
journée mondiale de l’hépatite. Au Bénin, le ministère de la santé s’est joint
au Point focal de l’Initiative panafricaine de lutte contre les Hépatites
(Ilph), le Professeur Nicolas Kodjoh, pour attirer l’attention de chacun et de
tous sur ces dangereuses endémies. Cette édition 2014 qui portait le thème :
‘’l’Hépatite : Réfléchissez-y à nouveau’’, a vu une foule de personnes de
toutes les couches sociales et de toutes les classes sociales, venir écouter
religieusement l’exposé du Professeur Kodjoh. C’était dans la grande salle
polyvalente du Chant d’Oiseau à Cotonou.
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Le Pofesseur Nicolas Kodjoh, Point focal ILPH |
C’est au détour d’une grande
campagne de sensibilisation sur les
Hépatites que le Point focal de l’Ilph, le Professeur Nicolas Kodjoh a célébré
la journée mondiale de l’hépatite édition 2014. A travers la présentation et la
diffusion de dépliants d’information, d’éducation et de communication (IEC) sur
les Hépatites, notamment sur les facteurs de risque et les moyens de prévention ;
la présentation et la diffusion de messages pour interpeler la conscience de
chaque citoyen pour faire face à ces endémies et une conférence de presse sur
le thème : ‘’Les Hépatites en question : de quoi s’agit-il ?
Quels sont les modes de contamination ? Comment se protéger ? Et quels
traitements ? Le Professeur Kodjoh,
dans ses propos a appelé chacun à réfléchir à nouveau sur ces endémies
qualifiées de ‘’Tueurs en série’’. En effet,
le thème hépatite est le nom générique donné aux affections inflammatoires du
foie. Bien que de nombreux virus soient capables de léser le foie, l’appellation
hépatite virale est réservée aux lésions du foie déterminées par des virus qui
présentent un tropisme hépatique dominant, sinon exclusif. Ils sont au nombre
de 5 et désignés par les lettres de l’alphabet A, B, C, D et E. « Parmi ces 5 virus, une attention
particulière doit être accordée aux virus B et C », dixit le Professeur
Kodjoh. Et pour cause, l’infection aiguë
par ces deux virus peut guérir ou devenir chronique. Les formes chroniques font la gravité de ces
deux maladies parce qu’elles peuvent évoluer insidieusement pendant plus de 20
ans et se compliquer de cirrhose et de cancer primitif du foie, premier cancer
de l’homme en Afrique et au Bénin, et d’avoir raison du malade. Au Bénin
justement, il existe plusieurs causes des Hépatites, mais elles sont dominées
par l’alcoolisme chronique. Rappelons que
les complications de ces deux endémies entrainent le décès prématuré de 15 à
25% des malades, d’où le qualificatif de ‘’Tueurs en série’’. Ceci justifie le
fait que plus de 80% des cancers du foie dans le monde sont causés par une
infection virale, le virus B (VBH) dans les deux tiers et le virus C(VCH) dans
le tiers restant.
Quel est alors le taux de prévalence des Hépatites B et C au Bénin
Si les Hépatites virales B et C
viennent en deuxième position des endémies les plus mortelles, dans le monde
après le VIH/Sida avec 1.400.000 personnes contre 1.600.000 pour le Sida, selon
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ils évoluent aussi de façon
vertigineuse au Bénin. L’Oms estime donc que 2 milliards de personnes ont été
infectées dans le monde de l’hépatite B. parmi eux 240 millions ont une
infection chronique et risquent d’évoluer vers la cirrhose et le cancer du foie
et d’en mourir. Pour l’hépatite C, 150 millions de personnes souffrent d’une
infection chronique. Pour déterminer l’ampleur de ces tueurs en série au Bénin,
une enquête portant sur les nouveaux donneurs de sang de 2012 a été effectuée
dans les 12 départements en septembre 2013. Les résultats montrent des taux de
prévalence de 9.9% pour l’hépatite B et 4.12% pour l’hépatite C. ce qui fait au
plan national pour les deux fléaux un taux de prévalence de 14.02%.
Départements
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Hépatite B
|
Hépatite C
|
Hépatites B et C
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Atacora-Donga
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20.15%
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12.42%
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32.57%
|
Atlantique-Littoral
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9.08%
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4.12%
|
13.20%
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Borgou-Alibori
|
Données manquantes
|
Données manquantes
|
Données manquantes
|
Mono-Couffo
|
8.24%
|
1.45%
|
9.69%
|
Ouémé-Plateau
|
9.45%
|
3.61%
|
13.06%
|
Zou-Collines
|
9.16%
|
3.60%
|
12.76%
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Ce taux de prévalence qui dépasse
13% au plan national signifie que plus de 1.300.000 personnes sont atteintes,
soit environ 1 béninois sur 8.
Quels sont les modes de contaminations et comment se protéger
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Le Présidium à la journée mondiale de l'hépatite |
Le virus B se transmet par
exposition percutanée ou muqueuse, à du sang infecté ou à d’autres sécrétions
biologiques. Le germe est présent à des concentrations élevées dans le sang, le
sperme et les sécrétions vaginales, on le trouve aussi dans la salive, les larmes,
les sécrétions nasales et les urines. Signalons que c’est un virus têtu, qui
peut survivre et rester contaminant dans le milieu extérieur pendant au moins
sept jours. Pour ce mode de contamination, le virus B se transmet verticalement
de la mère à l’enfant au moment de la naissance, horizontalement à partir d’une
personne infectée aux sujets en contact, principalement les enfants, et
particulièrement dans la période périnatale, c’est-à-dire dans la première
année de vie. La transmission horizontale
surviendrait en cas d’expositions répétées par l’intermédiaire de surfaces et d’objets
souillés par les sécrétions biologiques et en présence d’ulcération ou d’abrasion
cutanées ou muqueuses. Ces deux modes de
contamination jouent un rôle prépondérant dans la transmission et la
propagation de l’hépatite B dans les pays d’endémie élevée comme le Bénin où le
taux de prévalence de la mère à l’enfant est de 20%. Sont donc exposés au
risque de l’hépatite B, les enfants nés d’une mère contaminée, les personnes
vivant au contact de sujets atteints, les sujets ayant des pratiques sexuelles
ou des comportements à risque (multipatenariat, polygamie, homosexualité
masculine…). Le virus C quand à lui se transmet principalement par exposition
au sang, par voie percutanée ou muqueuse : transfusion sanguine,
injections avec des aiguilles ou des seringues souillés, usage de drogue par
voie intraveineuse, actes entrainant une effraction cutanée (tatouage,
piercing, acupuncture, excision, circoncision non médicalisée…). La transmission
verticale ou sexuelle du VHC est exceptionnelle. Sont considérées comme
personnes à risque et exposées, les personnels de santé, les malades transfusés
et hémodialysés, etc.
Existe-t-il une arme contre ces endémies ?
La vaccination est l’arme absolue
contre l’hépatite B. elle protège de la maladie et peut permettre d’éradiquer l’hépatite
B de la planète Terre. Elle concerne prioritairement les nouveau-nés qu’il faut
vacciner dans les 24 heures suivant la naissance, les personnels de santé, les
femmes enceintes selon les résultats du dépistage. Contre les deux endémies, il
faudra pour se protéger la sensibilisation sur les facteurs de risque et les
mesures de prévention au moyen de campagnes d’information, d’éducation et de
communication au profit des populations à risque. La sécurisation des produits
sanguins, le respect des précautions universelles d’hygiène dans les procédures
de soins, l’utilisation d’aiguilles et seringue à usage unique, etc. Le Bénin doit pouvoir aller à un taux de
prévalence de 0% pour les Hépatites B et C et c’est l’idéal que prône le
Professeur Nicolas Kodjoh. Pour y arriver, il faudra une prise de conscience de
la question des Hépatites à tous les niveaux ce qui doit nous engager à en faire
une priorité de santé publique ; légiférer pour rendre obligatoire d’une part
la vaccination systématique des nouveau-nés à la naissance, et d’autre part le
dépistage de l’hépatite B chez les femmes enceintes ; agir pour rendre le
vaccin accessible et à moindre coût comme au Botswana, au Cap-Vert, en Chine, à
Taïwan, en Corée, en Mauritanie, en Gambie et dans les pays du Maghreb. Tous ces
pays qui ont fait des progrès probants dans l’éradication de ces endémies. Et l’exemple
qui est souvent cité, c’est celui de l’Etat d’Alaska au Etats-Unis qui est
passé d’un taux de prévalence de plus de 16% à 0%.
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Prof Nicolas Kodjoh |
Enfin quels traitements pour les personnes infectées ?
En cas d’hépatite B, le
traitement a pour but de contrôler la maladie, de faire régresser les lésions
du foie, de mettre le malade à l’abri des complications mortelles (cirrhose et
cancer du foie) et d’améliorer la qualité de vie. Il existe toutefois des médicaments
appropriés obtenus sur prescription spéciale des spécialistes. Quand à l’hépatite
C, elle peut être traitée et guérie. Il existe là aussi des médicaments obtenus
sur prescription spéciale. L’obstacle
ici à ces traitements est leurs coûts trop élevés pour l’Etat et les ménages. Il
y a donc urgence de donner la priorité à la prévention notamment la prévention
de l’hépatite B qui génère plus des deux tiers des cirrhoses et cancers de foie
dans le monde en général et au Bénin en particulier.
Patrick Hervé YOBODE